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Méditations Percheronnes
23 juin 2017

Échappée belle

Je reviens d’un lieu merveilleux. Petit écrin qui fleure bon le crottin. Echappée belle du vendredi soir.

Je m’y gare, décharge ma voiture, et les bras encombrés, je descends vers la ligne de boxes un peu plus isolés en contrebas de la ferme, juste à la lisière de la forêt domaniale. J’évite au passage quelques flaques d’eau creusées par les roues de tracteur dans lesquelles pataugent plusieurs canards, des colverts, qui me regardent passer, imperturbables.

Je dépose mes affaires le long du mur. Je respire, une petite brise venant de la forêt toute proche me chatouille le nez, il fait chaud, ça sent l’herbe séchée, mélange de paille et de foin d’été.

Il me regarde déjà au travers des barreaux de la partie haute de la porte, l’œil curieux. Je tire les verrous et ouvre. Je prends une grande inspiration et laisse son odeur m’imprégner et déjà j’oublie, tout. Il ne reste que lui et moi.

Je pose ma main sur l’étoile blanche de son front et descends doucement le long du chanfrein légèrement bombé, c’est doux. Je m’arrête aux naseaux, il me respire également, me sent, je sens son souffle chaud entre mes doigts. Bonjour. Nos regards se croisent, sereins, déjà complices. Ce soir nous ne ferons qu’un. Du moins nous essaierons, nous rechercherons l’harmonie, et si nous sommes ambitieux la grâce et l’élégance.

 Apres vérification des pieds, un petit coup de brosse. La robe baie est lisse et brillante comme de la soie et le léger rayon de soleil qui passe par la porte renforce le reflet acajou du poil et le noir brillant du crin. Mors à la bouche, selle sur le dos. Nous sommes prêts.

Pas de carrière ou de manège ce soir, le temps est idéal pour une ballade en forêt. Nous démarrons tranquilles, au pas, le temps de s’apprivoiser, de se faire confiance, de se ressentir. Tout est calme, personne dans les chemins, la forêt est à nous, enfin pas totalement, peut-être aurons-nous la chance de croiser quelques chevreuils ou biches, c’est l’heure qu’ils préfèrent pour sortir.

Le paysage est magnifique, je pourrais rester des heures à le contempler, comme une toîle de maître, tout est figé et vivant à la fois. Le chemin est bordé de chênes et de fougères, ligne de fuite vers un horizon bleu et or dans le soleil couchant. Un nuage, seul, s’étire, comme un voile léger rose-orangé, draperie céleste.

Je m’évade mais tu me rappelles à l’ordre. L’appel de la nature, tu le ressens également et déjà tu trépignes et ton dos se tend, réclamant un peu de liberté, alors nous changeons d’allure. Petit trot, soyons légers. Je ressens ta bouche au bout de mes doigts, les rênes, mon poids et mon équilibre comme relais entre nos deux esprits. Mais cela ne te suffit pas, et à moi non plus.

Nous voilà au galop, la terre tremble, ce qui résonne en toi résonne en moi, je ressens chaque vibration quand tes pieds touchent le sol et dans le bref temps de suspension, nous volons, légers comme un souffle. Vent de liberté. Nous ne faisons qu’un, portés par ta force et guidés par mon regard. Seuls. Le paysage défile, et le monde autour n’existe plus, nous sommes libres, éclairés sur notre chemin par les raies d’or du soleil entre les branches, moment de grâce, gout d’éternité. Je te laisse filer, essayant sur ton dos de te gêner le moins possible pour que toi aussi tu te sentes libre et léger. Mais nous voilà déjà au bout du chemin et ralentissons, haletants tous deux et retrouvant notre calme. Retour plus tranquille au pas. Comme cela fait du bien au corps et à l’esprit. Je te caresse, reconnaissante de ta gentillesse, heureuse d’avoir partagé ce moment avec toi.

Je te libère de ton mors, de ta selle. La paille est fraiche et déjà tu te roules, toujours un œil sur moi, car tu sais que quelques friandises t’attendent.  Fin de l’échappée belle.

Merci mon ami et à la semaine prochaine.

 

echappée belle,©capella28

 

Merci à Idéal pour sa complicité généreuse et merci à Ph. et A. guides et propriétaires du centre equestre pour leur accueil et leur gentillesse.

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Commentaires
C
Berna, quelle émotion de te lire, comme toujours. Je n'ai pas le souvenir te ton arrivée parmi nous, tout cela m'a toujours paru si naturel en effet, comment ne pas tomber amoureux de tes "houit" et tes "nonante", de ton regard curieux et complice, de ton écoute, de tes mots toujours justes. Je suis heureuse que ce blog nous permette d'écrire et de partager ces émotions et sentiments simples si importants. Je ne dirai pas mieux que Patrick: nous t'aimons.
N
...je te suis...comment ne pas entrer dans ton pays immense du cœur....de la générosité....c'est d'autant plus facile que tes mots parlent et captent l'émotion ....emmènent ailleurs avec les fragrances de ce Perche qui t'a modelée.....il me parle ce Perche aussi.....par le premier accueil de la "table d'hôtes" ....comme une amie de longue date....sans question intrusive, sans regard embarrassant...tu es là...c'est bien....et ma place était pourtant quelque part incongrue....ce qui explosait en moi dès mon arrivée, c'était cet air pur qui vous nettoyait l'intérieur, ce silence sans silence qui vous étourdissait mais porteur de tant de mots et qui apaisait aussitôt.....je pense que j'étais comprise et que je comprenais.....autour de cette table qui m'enchantait toujours par de délicates préparations pourtant simples , mais qui encourageait à la gourmandise.....et les rires qui fusaient en partageant "un coup" avec le voisinage......la famille....je pense que depuis mon enfance je suis le chemin des familles pour être adoptée quelque part......je me suis nourrie des tiens...facile....tant de visages intéressants, ouverts, des échanges générant des questions sur les valeurs, sur le moi profond, sur le quotidien débarrassé du superflu......tu as puisé dans ce lieu de quoi affronter les réalités....trouver de l'espoir....on choisit ...soit de rester dans le pessimisme, de ne s'accrocher qu'aux mauvaises nouvelles, soit de rester ouvert....d'avoir envie de connaître....de reconnaître la petite joie, le petit bonheur.....mais il n'y a rien de petit.....il y a des moments où l'on se laisse aller à rire, à profiter,.....peu de chose parfois, mais être content simplement c'est si bon......tu t'épanouis par l'expression de l'écriture entre autres....et c'est un ravissement....tu manies les mots et les effets avec talent.....continue surtout....."l'enfance est source de devenir".....tu es une belle personne devenue....et tu nous étonneras encore.....un réel plaisir de te lire, de sortir de mon quotidien en voyageant avec toi sur ce chemin......tu as toute ma tendresse, ma grande......
C
Merci Catherine, je suis très touchée par votre commentaire. Nous avons tous nos combats et j'espère pour tous une soupape! Je voulais juste partager la mienne. Je vous souhaite une belle journée.
C
Marion, comme c'est bien écrit, tu écris comme tu ressens l'instant présent, l'odeur, le coup d'oeil interrogateur d'un cheval qui va porter sur son dos quelqu'un de peut-être brutal, ou lourd, lui n'en sait rien, tout ce qu'il sait, c'est qu'il va le faire ! Et puis, c'est de l'équitation légère, une balade plaisir, à deux. ,de ces petits moments où n'existe que le présent, décalés et revigorants, avant le retour à d'autres amours au quotidien,que je sais pas simples, mais où aimer est le meilleur stimulant pour faire avancer avec bonheur Celui qui pourrait souffrir sans cette arme miracle qu'est l'amour d'une mère. Pour notre bonheur à te lire, je dis: encore, et encore, Marion. Et merci, cher Patrick, pour ce partage: tu aimes et tu te bats, toi aussi. Et tu es tout tourné vers les autres, ceux qui se battent pour d'autres causes. Belle famille de coeur, que j'aime, moi aussi ...
P
Tu le mérites tellement!
Méditations Percheronnes
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