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Méditations Percheronnes
24 mai 2017

Les Misérables I : ma rencontre avec Gavroche et Cosette

 

archives familiales, maison en Touraine

Nazelles Negron, près d’Amboise en Touraine, on sort du village direction Noizay, et on grimpe sur le coteau de la bardoulière. C’est ici, dans une maison troglodyte, creusée en partie dans la roche, qu’habitaient mes grands-parents paternels. Avec mon frère Louis nous y passions la plupart de nos vacances, nos parents ne pouvant suspendre leur activité à la ferme. J ’ai encore le souvenir, non seulement des paysages, des vignes, mais aussi des odeurs. S’il est bien connu que les sens imprègnent la mémoire, ce n’est pas tant les paysages de Touraine et de vignes qui restent gravés, que l’odeur, l’odeur de la Loire brumeuse les matins d’automne, souvent mêlée aux effluves encore en suspension de sarments de vigne brulés de la veille. Ces odeurs-mémoire ont cette capacité extraordinaire à faire revenir des émotions fortes et il n’est pas rare que certains matins de novembre il me semble encore sentir ces parfums.

Balades sur les coteaux, jeux simples dans la petite cour devant la maison, occupaient nos journées de vacanciers. Elle était jolie cette petite cour, gravillonnée, avec sur le côté un bassin, hébergeant, sous un tapis de nénuphars, quelques poissons rouges, pas tous rouges d’ailleurs et une ou plusieurs, je ne sais plus, salamandre, drôle d’animal que ce batracien là… Cette courette était fermée par un portail donnant sur le chemin et bordée de murets de rocailles, à gauche le bassin et quelques arbustes, le fond de la cour et la droite étant délimité par la maison, maison d’habitation principale en pierre pour la partie de droite, troglodyte sur tout le fond, destinée plutôt à l’accueil des amis, creusée dans la roche haute et abrupte, vertigineuse même, quand vous avez 7- 8 ans.

Mon frère, s’occupait souvent à l’extérieur avec mon grand-père, à divers petits travaux, et comme mon grand-père, il arborait avec fierté une casquette en velours marron. Pour ma part je restais en cuisine avec ma grand-mère, les reines de l’épluchage, chacune avec son tablier, nous les regardions s’affairer dans la cour par notrefenêtre. Petite main, j’exécutais toutes mes missions, avec le plus grand sérieux et c’est lors d’une de ces missions, sortant avec mon tablier dans la cour et croisant le chemin de mon frère et de sa casquette, que mon grand-père se mit à sourire en nous voyant : « on dirait cosette et gavroche ! ».

Cosette et gavroche ? Mais c’est qui ??

Je retournais auprès de ma grand-mère m’inquiétant de la comparaison que venait de faire mon grand-père et le faisant drôlement sourire…se moquait-il ?

Les misérables, Victor Hugo, c’était la première fois que j’en entendais parler, et elle m’expliqua, le livre, que je ne lus que quelques années plus tard, avec ferveur, leurs histoires, le titi parisien, la pauvrette exploitée. Puis, afin de parfaire les présentations, elle me fit monter avec elle dans la chambre, et là, sur le buffet haut, elle me montra : La cosette. Je peinais à la voir correctement, alors ma grand-mère me rapprocha une chaise, et je me hissais vers La cosette, hors de question que ce soit La cosette qui descende de son piédestal ! Comme je la regardais je constatais qu’elle était très belle La cosette, soulevant son seau et accompagnée par les oiseaux, toute en bronze, appuyée sur un cadran rond indiquant l’heure. J’étais flattée que mon grand-père m’y compara mais nous étions tout de même différentes, nous n’avions pas le même regard, elle avait les yeux tristes, comme résignés, et pour cause… et je n’ai pas le souvenir d’avoir été triste pendant mon enfance, encore moins résignée ! je m’estimais donc chanceuse à la regarder. A chaque vacances je montais la voir, toujours à sa place, elle trônait en hauteur, sorte de pèlerinage et de vénération, son immobilité m’impressionnait, elle paraissait figée dans le temps alors que moi je grandissais, au rythme des aiguilles de l’horloge.

Les aiguilles ne tournent plus et ma grand-mère n’est plus là mais j’ai récupéré la cosette, cela ne pouvait en être autrement. Pendule de cheminée comme il se disait, elle a trouvé une place sur la cheminée de la salle à manger, vedette de la pièce. Je la contemple tous les jours, et elle me contemple, de ses yeux de bronze immobiles, comme à mes huit ans, ma grand-mère toujours un peu à côté.

La cosette actuellement

Archives familiales, La cosette en 1990, en Touraine

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Commentaires
L
Juste magnifique ! Merci pour ce flashback
M
Je ne viens pas toujours mais c'est chaque fois un plaisir de lecture tant c'est bien écrit.
M
Merci à Patrick de nous avoir donné le lien.<br /> <br /> Un bel article!
P
Merci Marion, à chaque jour, son émotion...
C
Quel beau texte ! Oh si, "la nostalgie est encore ce qu'elle était", Simone Signoret !
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